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dimanche 1 octobre 2017

Vingt conseils pour rater votre convention nationale

Raymond Milesi a eu la gentillesse de me confier ce savoureux recueil des conseils à suivre pour rater une Convention. Le document circule depuis longtemps, mais le hasard voulait qu'il n'ait jamais été publié jusqu'ici sur Internet, et c'est donc mon blog qui reçoit cette marque de confiance, que Raymond en soit remercié !
Voici donc ces conseils dans leur version d'origine restaurée ! illustrés de photos issues de mes archives...
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- début convention d'Amiens 2014 -
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VINGT CONSEILS POUR RATER VOTRE CONVENTION NATIONALE
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Raymond Milési
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1. En premier lieu, donnez dans le grandiose. Annoncez dès le départ une manifestation démentielle, du jamais vu ! D’ailleurs, entre nous, vous considérez cette convention comme une simple répétition avant la tenue par la suite d’un gigantesque Festival annuel, n’est-ce pas ? Retenez ce conseil : pour bien rater votre convention, faites semblant d’en accepter les principes, tout en préparant en fait le vrai et grand Festival qui vous rendra célèbre !
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2. Entourez-vous sur-le-champ d’une équipe la plus nombreuse possible. Répartissez sans attendre les rôles, en déléguant d’office les tâches qui ne vous intéressent pas. Pour un maximum d’inefficacité, cherchez des « correspondants » un peu partout, de préférence éloignés (ainsi, vous ne les rencontrerez pas). Livrez une liste de collaborateurs débordante. Inutile de tous les prévenir : ils seront trop contents d’accepter.
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3. À tout hasard, claironnez que vous adhérez à la Charte des Conventions Nationales (dont l’acceptation vous a permis d’être élu). Bien entendu, ne la lisez  pas ! À quoi vous servirait-elle ? Contentez-vous d’affirmer que « l’unité de lieu sera respectée ». Avec un peu de chance, ça vous permettra d’esquiver les autres exigences, que vous avez pris soin d’ignorer ou d’oublier. Au cas où vous iriez jusqu’à parcourir la Charte d’un œil distrait, n’y retenez que ce qui vous arrangeait déjà avant de l’avoir lue !
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4. La France, ça fait petit. Et les auteurs français, hein ! franchement… Or, vous avez avant tout besoin de NOMS : les financeurs ne marchent qu’à ça, c’est bien connu. Par conséquent, situez-vous en contradiction avec cette demande de la Charte, en annonçant la venue quasi certaine de grands auteurs américains. Ajoutez quelques Anglais, on ne sait jamais, les Américains ne viendront peut-être pas tous.
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5. Réservez l’essentiel de vos préoccupations à deux ou trois actions spectaculaires en direction du public ou des médias locaux, de celles qui coûtent cher et vous démarqueront du vulgaire. Là encore, lâchez des noms. Des gros ! Si par exception vous envisagez un concert par exemple, peut-être des Rolling Stones ? ou Mylène Farmer ?… L’avantage majeur, immédiat celui-là, est qu’ainsi vous montrerez à tous à quel point vous vous foutez de la convention proprement dite !
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Souvenir d'un fidèle conventionnel : Georges Pierru
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6. Dès que les amateurs du Fandom ont voté pour vous, empressez-vous de les oublier. Posez-vous en professionnel et cultivez le mystère dans une absence pleine de non-dit. Visez haut, gardez le silence : vous irez loin !
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7. Considérez qu’il y a deux sortes de participants : ceux qui paient et n’ont droit à rien, ceux à qui vous payez le séjour et ont droit à votre prévenance exclusive. Avant tout, pensez à la longue liste des invités, appelée à orner un coin de l’affiche de votre Festival (pardon : de la convention !), affiche que vous commanderez à un artiste célèbre et très cher — évidemment pas à un simple dessinateur de votre région !
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8. Ne faites aucun Bulletin Préparatoire, aucun site d’information (tenu à jour), c’est du temps perdu. Comme tout ce qui a trait aux questions matérielles. N’importe quel Syndicat d’Initiative peut livrer à la demande une liste des hôtels ou autres détails insignifiants de ce genre. Du reste, ne prévenez pas le Syndicat d’Initiative. Et n’allez pas déprécier vos informations en les communiquant à la presse régionale : les journalistes viendront tout seuls, ils n’ont qu’à faire leur boulot !
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Château de Tilff où se tinrent plusieurs conventions
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9. Pour le local, vous avez en vue un Palais des Congrès aux capacités inouïes, sidérantes! Vous avez pris soin de contacter les services municipaux, où l’on vous a laissé entendre que la plage du « tant au tant » (coup de chance : en pleine rentrée scolaire !) serait probablement disponible, vu que les brancardiers réservaient une autre date pour leur repas annuel Foncez, sans confirmation écrite : les brancardiers sont des gens de parole !
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10. Si les dates – qui, avec le lieu et le projet ont fait l’objet du vote d’attribution – posent soudain un problème épineux (les brancardiers…), changez-les sans hésiter. Ce n’est quand même pas votre faute ! Les inscrits – pour une autre date – comprendront très bien : quand on aime la SF, on ne s’arrête pas à ces bricoles. N’informez pas trop vite : peut-être que ça changera encore ? Important : veillez bien à tenir le délégué au suivi de la convention dans l’ignorance de ce genre de bouleversement. Et de n’importe quel autre !
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11. Dans l’intérêt de tous, vous comptez solliciter de grosses subventions (au Maire, à la Communauté, au Délégué Régional aux Affaires Culturelles que vous avez rencontré lors d'un concours de nouvelles de collégiens — de purs chefs-d’œuvre ! —, aux commerçants qui verront vite où est leur intérêt, allez !). Sans attendre le premier engagement écrit, lancez-vous dans des actions extrêmement onéreuses : elles auront l’avantage de motiver vos grosses demandes (ruse !). L’argent suivra, ça ne fait aucun doute !
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Les statuettes du prix Rosny (conçues par Caza)
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12. Quand vous contactez quelqu’un au sujet de la convention, négligez d’en conserver une trace : on est vite encombré par les paperasses ou les octets. Si on vous écrit, un bon conseil : ne répondez pas ! Et surtout pas de manière personnalisée ! Les lointaines circulaires prévues suffiront largement à informer les curieux. Méprisez les offres à ras de terre du genre : « Est-ce que mon projet de débat t’intéresse ? » ou « Aurai-je une table pour mon fanzine ? » Ce n’est quand même pas ces rigolos qui vont assurer le succès de votre Festival, non ? (pardon : de la Convention !).
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13. Sur place, souvenez-vous de ce constat dicté par l’expérience : l’accueil des arrivants n’a vraiment aucune importance et ne nécessite pas de préparatifs particuliers. Vous trouverez toujours un jeune désœuvré pour se vautrer derrière une table en mangeant des Kinder Bueno, jeter un coup d’œil sur une liste et désigner l’entrée du doigt. Tout cela se règle sans problème au dernier moment ! 
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14. Si, malgré votre implacable inertie, certains acharnés s’obstinent à venir les bras chargés de livres ou revues et demandent une table pour les étaler, veillez à les parquer à l’écart de tout lieu « passant » ou central. L’idéal est que des visiteurs occasionnels ne puissent soupçonner leur présence !
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Souvenirs de la convention d'Aubenas 2013, le café en face lieu de rassemblement
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15. Sitôt un collaborateur désigné pour chapeauter une activité, ne vous en occupez plus. Le mieux est d’ignorer les contenus précis de la programmation, ainsi que les agaçants soucis de micros, de vidéoprojecteurs, de réglages, etc. pour lesquels vous n’avez guère de temps à perdre. Les animations internes à la convention, ça roule tout seul. De toute façon les inscrits ont payé leur place : ils ne vont pas se sauver !
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16. Passez votre Festival (pardon : la Convention !) au large de l’agitation, en compagnie de quelques « gros calibres ». Au bar de leur hôtel, par exemple. Les participants apprécieront l’effort que vous faites pour les représenter dignement auprès du gratin de la SF, au lieu de perdre votre temps à traîner parmi eux. D’autant plus que ces gens-là ne cesseraient de vous poser des questions terre à terre et dénuées de tout intérêt promotionnel.
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17. La présence d’un Foyer-bar, peu motivante, détourne le congressiste de ses devoirs et engage au farniente. Un distributeur automatique avec gobelets en plastique s’avère bien suffisant, tout en écartant les tracas d’un personnel supplémentaire. L’idéal, dans ce domaine, est de ne rien proposer du tout. Vous n’y aviez même pas pensé ? C’est encore mieux !
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Le succès d'un bon repas de gala
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18. Sachez une fois pour toutes que les points fixes annuels du style « Assemblée Générale d’Infini », « Remise du Rosny aîné » ou « vote d’une convention ultérieure » ne vous concernent pas. Considérez-les comme un supplément encombrant. Les participants se débrouilleront : ils n’ont que ça à faire. Ces rassemblements anecdotiques seront programmés au jour le jour, on trouvera bien un recoin. Souciez-vous plutôt des coups d’éclat de votre Festival (pardon : de la Convention) !
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Pierre Bordage et Laurent Genefort lauréats (Convention de Mérignac 2015)
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19. Si vous repérez dans la cohue quelque inscrit badgé de frais, un peu perdu, ne connaissant manifestement personne, ne vous approchez pas de lui. N’entamez pas la conversation, ne lui présentez aucun auteur. Il bénéficiera ainsi de la rude école de la vie en pleine responsabilité et, de retour chez lui après un voyage long et onéreux, ne manquera pas de faire savoir à son entourage (réel et médiatique) combien il a goûté le traitement d’adulte qui lui a été réservé pour sa première participation. Sans doute en gardera-t-il un souvenir si précieux qu’il évitera à l’avenir de le banaliser au contact d’une autre convention…
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20. Après coup, gardez vos conclusions pour vous. Ça ne servirait à rien ni à personne. Dans l’hypothèse où tout n’aurait pas marché selon vos désirs, dites-vous bien que c’est dû avant tout aux inscrits et à tous ceux, plus nombreux encore, qui ne sont même pas venus ! Sans ces aigris, gens à courte vue, fainéants, toujours prompts à la critique, votre Festival (pardon : la Convention dont on vous a confié les clefs pour une année !) aurait connu à l’évidence un succès sans précédent !
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Raymond Milesi
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